Ces ruines sont celles du château de Montespan, siège autrefois d'une baronnie du même nom et fief de la maison d'Espagne. Montespan, dont le nom à partir du XIIème siècle figure à maintes reprises dans l'histoire de notre pays.
Originaire des Hautes-Pyrénées (Vallée du Louron), la famille d'Espagne comptait depuis la plus haute antiquité, parmi les plus anciennes maisons de chevalerie du Comminges. Plusieurs de ses membres, acquirent un renom de vaillants capitaines d'abord dans les luttes qui vers l'an 1000 libérèrent le pays des 4 Vallées de la domination sarrasine et plus tard dans les expéditions contre les infidèles d'outre-mer notamment pendant les croisades du roi Saint-Louis.
Déjà puissante par ses biens et sa renommée, la maison d'Espagne prit une particulière importance vers le début du XIIIème siècle par le mariage de Grise d'Espagne, fille d'Arnaud d'Espagne, baron de Bordères en Louron et Seigneur de Montespan avec Roger de Comminges, quatrième vicomte du Couserans. De cette union naquit Arnaud de Comminges vicomte de Couserans, comte de Foix, dont le 3ème fils Arnaud de Comminges d'Espagne premier du nom fut le chef de la maison proprement dite "Barons d'Espagne de Montespan".
A cette époque, la baronnie de Montespan, déjà fort étendue, comprenait en plus de la Seigneurie de Montespan et des Vallées Pyrénéennes de Louron et Larboust, une partie de vastes biens de la maison de Foix : La Bastide de Montréal (aujourd'hui Montréjeau), fondée en 1272 avec le roi de France, la Seigneurie de Lécussan, la Châtellerie d'Ausson.
Erigé vers le début du XIIIème siècle, le château de Montespan, chef-lieu de la Baronnie, frappait alors la vue par sa puissance et sa belle ordonnance. La forteresse où une compagnie de 50 gens de guerre logeait était réputée "clef de France", du côté de l'Espagne. Le Seigneur y devait tenir un capitaine, conserver les murailles en bon état de défense et veiller à la sécurité des ports et passages du Couserans vers l'Espagne.
Au sommet du donjon carré, on aperçoit les autres forteresses voisines plus ou moins détruites aujourd'hui. Castéras de Lestelle, les châteaux de Montpezat et Roquefort, la tour d'Ausseing disparue depuis peu, ou les camps retranchés des bois de Figarol et Montsaunés.Autrefois, le château était composé de 3 enceintes, la plus grande enveloppant les 2 autres au moins de 3 cotés. L'enceinte du couchant était la plus régulière car elle se rapprochait beaucoup du rectangle. C'était la mieux construite; elle renfermait le donjon, lui aussi rectangulaire (5,71 m sur 4,92 m) médiocrement élevé mais un des mieux conservé de nos donjons pyrénéens, puisqu'il a encore ses créneaux; il était lié aux remparts à l'aide d'un mur assez élevé et adossé à des bâtiments qui ont marqué sur lui leurs empreintes. Il était aussi percé au 1er étage de 2 portes. Les preuves de nombreux remaniements ne manquent pas. L'enceinte rectangulaire et le donjon paraissent dater du XIIIème siècle, plutôt de la fin, des travaux considérables eurent surement lieu aux XIV et XVème siècles. Toute une partie des bâtiments fut appliquée le long de l'enceinte rectangulaire.
A l'angle Nord Ouest de l'enceinte, un haut pan de mur à la silhouette bizarre, notamment au clair de lune est la tranche qui subsiste d'une tour cylindrique du XVème siècle qui peut être considérée comme un second donjon de défense avancée. La grande enceinte extérieure était flanquée de plusieurs tours rondes ouvertes sur le dedans du château, disposition dont il est difficile de trouver des exemples dans les autres forteresses des Pyrénées. Ces petites tours étaient au nombre de trois.
Depuis le château, les barons d'Espagne ne se limitèrent pas à ce rôle de gardiens des frontières. Aussi bons chevaliers que seigneurs opulents, ils fournirent au cours des siècles, à la couronne de France, toute une lignée de vaillants guerriers qui s'illustrèrent sur les champs de bataille ou de grands dignitaires civils et ecclésiastiques.
Les fastes militaires des barons d'Espagne-Montespan, s'interrompent avec Roger 1er. Ils menaient jusque là une vie fastueuse dans leurs demeures d'Ausson et Montespan occupés surtout à régler des différends, parfois sanglants, qui s'élevaient entre eux et leurs vassaux.
Au XVème siècle, Roger IV d'Espagne renoue la glorieuse tradition guerrière. En 1525, répondant à l'appel du roi François 1er, Roger IV lève dans les terres de sa baronnie une compagnie de gens d'armes qu'il conduit en Italie. Il se distingue parmi les plus vaillants à la bataille de Pavie, où il est fait prisonnier en même temps que la fleur de la noblesse française. Sa mère Madeleine d'Aure, dame de Montespan doit contracter un emprunt et vendre ses joyaux les plus précieux, recourir au concours de ses parents et de ses vassaux pour payer sa rançon.
Avec Roger IV d'Espagne mort sans enfant légitime, s'éteint en 1555, cette première lignée de la maison des barons d'Espagne de Montespan. A cette époque, la baronnie de Montespan entre dans la maison des Pardaillan de Gondrin, en vertu du mariage de Paule d'Espagne, sœur aînée de Roger IV, avec Antoine de Pardaillan de Gondrin qui avait été lui aussi un combattant de Pavie.
Hector de Pardaillan de Gondrin, fils issu de ce mariage ajouta alors à ses titres celui de baron de Montespan, Montréjeau était alors la capitale de la Baronnie de Montespan. Ces terres furent érigées en marquisat par le roi Louis XIII en récompense des éminents services rendus par la Baronnie de Montespan.
Le Marquisat de Montespan comprenait les villes de Montréjeau (capitale), Valentine, Cazères, les châteaux et maisons seigneuriales d'Ausson, Bordes, Villeneuve Lécussan, Cazarilh, Villeneuve de Rivière, Saint-Laurent, Mazères ainsi que plusieurs capitaineries dont dépendaient 24 autres villages.
L'impression laissée par les ruines du château, n'est pas celle qu'avait fait naître, ou pressentir la renommée de la grande famille qui le construisit. Il est fort probable que la Marquise de Montespan ne soit jamais venue séjourner dans le domaine de la famille de son mari. Les ancêtres de Louis Henri de Pardaillan de Gondrin marquis de Montespan préféraient certainement à ce nid d'aigle, battu des vents, leurs riches et confortables demeures de la plaine d'Ausson et plus tard Saint Elix.
Christian TEILLOL